A. Cova u.a. (Hrsg.): Femmes, genre et catholicisme

Cover
Titel
Femmes, genre et catholicisme. Nouvelles recherches, nouveaux objets (France, XIXe–Xxe siècles)


Herausgeber
Cova, Anne; Bruno, Dumons
Reihe
Chrétiens et Sociétés 17
Erschienen
Lyon 2012: Chrétiens et Sociétés
Anzahl Seiten
205 S.Cet ouvrage publié sous la direction d’Anne Cova et Bruno
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Caroline Rusterholz

Cet ouvrage publié sous la direction d’Anne Cova et Bruno Dumons réunit huit contributions présentées lors d’une journée d’étude à l’Ecole normale Supérieure de Lyon intitulée Femmes, genre et catholicisme, Nouvelles recherches, nouveaux chantier (France, XIXe–XXe siècles) et organisée au sein du Laboratoire de Recherche Historique Rhône-Alpes par Pascale Barthélémy et Bruno Dumons. Ce volume s’inscrit dans la réflexion française actuelle visant à réexaminer la place des
femmes dans l’Eglise catholique romaine, dans le sillage des recherches pionnières de l’historien Claude Langlois (1984). Partant de l’exemple français, l’ouvrage comporte cinq thématiques principales: politique, spiritualité, genre, féminisme et mission au féminin.

Les deux premières contributions mettent à jour la manière dont les femmes catholiques utilisent l’associationnisme pour investir l’espace public politique. Marie-Emmanuelle Chessel s’intéresse à la Ligue Sociale d’Acheteurs (LSA) entre 1900 et 1914, une association de consommateurs fondée par des femmes catholiques qui promeuvent les modes de consommation «éthiques» respectant les conditions de travail des ouvrières. Magali Della Sudda se penche sur la Ligue Patriotique des Françaises (LPDF) sous la Troisième République, ligue défendant la création d’une République catholique.

Alors que la première auteure souligne la volonté affichée de la LSA de promouvoir les lois sociales promulguées par les réformateurs républicains, notamment la loi sur le repos dominical, la seconde insiste sur l’opposition des femmes de la LPDF à l’individualisme républicain de la Troisième République. Au modèle individuel de citoyenneté, les femmes de la LPDF opposent un modèle conjugaliste de citoyenneté. Ce modèle constitue une souveraineté conjugale, mari et épouse devant parvenir à une décision commune lors des suffrages. D’autre part, Marie-Emmanuelle Chessel insiste sur le fait que les hommes et les femmes travaillent conjointement au sein de la LSA, «inventant un espace mixte» qui devient le lieu non seulement de la politisation des femmes mais également d’un apprentissage de la démocratie puisque les femmes y sont invitées à donner leur avis sur des mesures sociales et des lois en préparation. Magali Della Sudda montre, au contraire, comment les femmes de la LPDF respectent les normes de genre en vigueur au sein de l’Eglise catholique, basées sur une vision hiérarchisée et complémentaire du genre. Ces femmes ne revendiquent pas le droit de vote et d’éligibilité mais la reconnaissance de leur foi dans la sphère publique et l’instauration d’une République catholique basée sur le modèle conjugaliste. Pour obtenir cette reconnaissance, elles mobilisent deux moyens: l’engagement au sein des oeuvres sociales, expression privilégiée de leur «maternité biologique et spirituelle» et l’alliance avec l’Action Libérale Populaire, association d’hommes catholiques à tendance libérale. La deuxième partie de l’ouvrage, sans doute la moins convaincante puisque les questions de recherche ne sont pas clairement formulées, est consacrée à la «spiritualité au féminin». Dominique-Marie Dauzet offre au lecteur diverses réflexions sur une étude de cas portant sur les rapports de pouvoir entre un directeur de conscience et une soeur à la vie mystique tourmentée, alors que Carol E. Harrison analyse les modèles féminins présents dans le Récit d’une soeur de Pauline Craven, mé moire relatant l’histoire d’une famille qui se convertit au catholicisme au XIXe siècle. Elle insiste sur la présence simultanée au sein du récit du modèle de la femme catholique, pieuse, soumise, considérée comme sainte, et de la femme moderne, consciente de sa propre subjectivité et qui construit son «moi» à travers l’écriture.

La troisième partie est intitulée «le genre en question». La contribution très pertinente de Matthieu Brejon de Lavergnée s’intéresse à l’espace charitable parisien au XIXe siècle dans une optique genre. Il démontre que la charité, habituellement perçue comme un espace féminin, se masculinise après la Révolution pour aboutir à un lieu de division sexuée du travail où les femmes s’occupent de la «charité en actes» et les hommes de la réflexion savante couplée d’un engagement politique. Convoquant diverses archives d’oeuvres charitables, sa contribution déploie deux niveaux d’analyse: les oeuvres et associations ainsi que les familles et les individus. Concernant les oeuvres et associations, l’auteur montre qu’il existe un partage sexué des visites charitables. Au niveau micro-social, il définit la manière dont les réseaux familiaux jouent un rôle déterminant dans l’investissement charitable des hommes et des femmes. L’auteur conclut en affirmant que le rôle charitable-philantropique apparaît comme un attribut de la masculinité bourgeoise. Céline Béraud, quant à elle, se penche sur les «relations entre les questions de genre et les formes de contestations actuelles au sein de catholicisme français». Elle souligne l’absence de contestation réelle du manque de légitimité et de visibilité des femmes au sein de l’Eglise, alors même qu’une féminisation des «fonctions permanentes» est à l’oeuvre. Seules deux affaires récentes ont donné lieu à des contestations ouvertes: «l’affaire de la jupe» et celle de petites filles exclues du service de l’autel. Toutefois, elle souligne que ces prises de positions critiques ne peuvent être assimilées à l’apparition d’un nouveau régime de contestation.

La quatrième partie est dédiée au féminisme catholique. Florence Rochefort se concentre sur la stratégie de la revue mensuelle La Femme contemporaine pour investir la problématique du féminisme sans toutefois adhérer à l’individualisme de la Troisième République. La revue (1902–1914) créée en réaction au féminisme laïque a pour ambition de défendre un féminisme respectueux des normes de genre en vigueur dans l’Eglise catholique. La stratégie principale de la revue est d’éduquer les femmes et les jeunes filles afin qu’elles puissent «remplir leur fonction sociale» et influencer mari et enfants. La revue apparaît plus marquée par «une curiosité intellectuelle pour le féminisme» que par une ligne militante soutenant des réformes. Mathilde Debusset analyse le groupe Femmes et Hommes en Eglise formé en 1970 et qui a pour ambition l’égalité fondamentale entre hommes et femmes dans l’Eglise. Elle se penche sur deux orientations de ce groupe: le groupe en tant que mobilisation de différents réseaux et le groupe comme lieu de «réflexion et de diffusion d’une pensée critique» sur le statut des femmes dans l’Eglise.

Les deux dernières contributions ont pour objet la «mission au féminin» vue depuis l’étranger au XIXe siècle. Alexandrine de La Taille suit l’itinéraire d’Anna du Rousier, religieuse de la société du Sacré-Coeur qui, de France, passe en Italie puis aux Etats-Unis pour finalement s’établir au Chili. Elle montre comment l’expérience acquise par cette religieuse lui permet d’établir la société du Sacré-Coeur au Chili. Sarah Curtis se penche sur la pratique du baptême clandestin d’enfants mourants par les religieuses missionnaires de France dans l’Empire Ottoman et en Chine. Selon l’auteure, cette pratique fait partie intégrante de la stratégie missionnaire et est valorisée par l’institution ecclésiale.

Si cet ouvrage comporte l’avantage d’offrir un aperçu des différentes manières d’intégrer le genre dans les recherches sur le catholicisme, on peut toutefois lui repro cher son manque de rigueur scientifique. Trop de coquilles, de formulations bancales et d’erreurs formelles ponctuent les textes et desservent l’ensemble de l’ouvrage. Une synthèse globale aurait également été la bienvenue et notamment un résumé des principaux besoins en matière de recherche liant le genre et le catholicisme.

Zitierweise:
Caroline Rusterholz: Rezension zu: Anne Cova/Bruno Dumons, Femmes, genre et catholicisme. Nouvelles recherches, nouveaux objets (France, XIXe–Xxe siècles), Lyon, 2012. Zuerst erschienen in: Schweizerische Zeitschrift für Religions- und Kulturgeschichte, Vol. 107, 2013, S. 439-441.

Redaktion
Zuerst veröffentlicht in
Weitere Informationen
Klassifikation
Region(en)
Mehr zum Buch
Inhalte und Rezensionen
Verfügbarkeit